MATHIEU HEBERT HAUTS-DE-FRANCE , MÉTAL
PUBLIÉ LE 22/02/2019 À 13H31
Faute de financements, Altifort a demandé la résolution du plan de cession de l’aciérie Ascoval à Saint-Saulve (Nord). Les réactions sont à la hauteur des espoirs soulevés dans ce dossier devenu très politique.
De nombreuses réctions face au retrait d'Altifort dans la reprise d'Ascoval à Saint-Saulve.
"Scandale", "claque", "coup de massue", "trahison" : les réactions sont à la mesure des espoirs soulevés en décembre 2018, quand Altifort a été désigné par la justice comme le repreneur de l’aciérie Ascoval à Saint-Saulve, près de Valenciennes (Nord). Le groupe franco-belge a demandé en début de semaine la résolution du plan de cession de l’aciérie, "et ce afin de protéger les salariés d'Ascoval et du groupe", indiquait Altifort le 21 février 2019, quelques heures après que le Figaro eut révélé que le repreneur ne disposait pas des financements nécessaires à la reprise.
Il manquerait 35 millions d’euros à Altifort pour boucler son plan de financement tel qu’il avait été validé par la chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg le 19 décembre 2018, selon l’avocat conseil d’Ascoval.
La veille, mercredi 20 février, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire réunissait à Bercy les acteurs du dossier, dont la direction et les représentants des 281 salariés d’Ascoval, des parlementaires et des élus des Hauts-de-France. Au ministère, on a demandé à tous les acteurs du dossier de limiter leur expression publique "pour ne pas affoler un partenaire potentiel", rapporte un des participants à la réunion.
De nombreuses réactions
Après les informations du Figaro le matin, complétées dans l’après-midi par de nombreux médias, les réactions se sont enchaînées. "On l’a appris dans la semaine", concède Olivier Burgnies (CFDT), qui ne souhaite "pas faire de commentaires : on n’est pas tous d’accord sur la façon de s’exprimer". "C'est très dur en ce moment. Les salariés sont totalement démoralisés. C'est vraiment compliqué", glisse Nacim Bardi (CGT), en réponse au "soutien total aux salariés" affiché par la Nordiste Marie-Hélène Bourlard, numéro deux sur la liste de Ian Brossat (PCF) aux élections européennes, dont le délégué CGT est aussi un colistier.
Altifort "a trompé tout le monde", a indiqué le 21 février un membre du cabinet de Bruno Le Maire à l’AFP. "Altifort nous a confirmé qu'il ne pourrait verser aucun des fonds sur lesquels il s'était engagé, ni les 10 millions d'euros de fonds propres, ni les 25 millions d'euros de levée de fonds".
"Il est inacceptable, de la part d’Altifort, d’avoir ainsi trompé des salariés en lutte depuis plus d’un an. Il nous doit désormais des explications", a réagi dans un premier temps Fabien Thiémé, maire (PCF) de la ville voisine de Marly, lui-même ancien ouvrier.
Laurent Degallaix, maire (UDI) de Valenciennes, a pris l’information comme "un coup de massue". "Le risque est immense : une fermeture pure et simple de l’usine", ajoute-t-il, soulignant "un terrible paradoxe : il y a des clients, il y a des commandes pour cette usine dernière génération ultra-moderne et ses salariés à la qualité et aux compétences renommées".
"Aujourd’hui tout le monde met les bouchées doubles. Il reste une chance"
Chez les élus du Nord, l’heure est encore à l’espoir. Xavier Bertrand, président (divers droite) de la région Hauts-de-France, compte sur une issue positive : "Altifort n'a pas baissé les bras et espère bien que les fonds seront décaissés", a-t-il déclaré à l'AFP, cité par Les Echos.
"Les difficultés sont surmontables. On ne parle pas de la mort d’Ascoval. Il y a des clients, de la demande. On travaille, dans les jours qui arrivent, pour remplacer un des financeurs défaillant", appuie le député Fabien Roussel, élu du Valenciennois et secrétaire national du PCF. Aucune banque française n’a investi dans le plan de reprise d’Altifort, souligne-t-il : "Aucune banque française n’a joué son rôle. Il n’est pas trop tard. Tout doit maintenant être mis en œuvre pour intégrer de nouveaux partenaires industriels, cette fois soutenus par les banques", avance le parlementaire. "Il est encore temps de sauver l’un des plus beaux fleurons de notre sidérurgie."
Bart Gruyaert, DG d’Altifort : "Je ne jette pas l’éponge"
"Passé le premier moment de légitime indignation, l’heure est à présent à la remobilisation autour du devenir d’Ascoval, des 281 emplois directs et du millier d’emplois induits", souligne Fabien Thiémé. "Aujourd’hui tout le monde met les bouchées doubles. Il reste une chance", résume Bruno Kopczynski (CFDT), pour l’intersyndicale d’Ascoval.
"Je ne jette pas l’éponge", affirme Bart Gruyaert, co-fondateur et directeur général d’Altifort, cité par la Voix du Nord. "J’ai des contacts avec un partenaire sidérurgique, qui serait intéressé par une entrée au capital dans les prochains mois. J’essaie de le faire entrer plus tôt". "Le projet de résolution sera examiné le 27 février. Dans l’intervalle, toutes les solutions alternatives seront explorées en liaison avec les Pouvoirs Publics", déclare encore l’industriel, dans un communiqué.
D’autres partenaires pourraient être convaincus mais le délai est court : une audience est prévue devant le TGI de Strasbourg mercredi 27 février. Ce temps "laisse un temps certain à Altifort pour finaliser", note Cédric Orban, patron d’Ascoval. Mais selon des témoignages de salariés recueillis par la Voix du Nord sur le site de Saint-Saulve, "la direction n’y croit plus".
"On ne va pas attendre mercredi. On a contacté ceux qui étaient intéressés par la reprise d’Ascoval. On ne repart pas de zéro", a confié Xavier Bertrand à la Voix du Nord.
La CGT, sans attendre le résultat de ces négociations, met la pression sur le gouvernement. Philippe Martinez, son secrétaire général, a appelé Bruno Le Maire dès jeudi 21 février. "On souhaite une solution pérenne, avec Altifort ou avec un autre investisseur, ou par le biais d’une prise de contrôle temporaire de l’Etat", résume le Dunkerquois Philippe Verbeke, secrétaire de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT.
"L’État se doit d’être à nos côtés, car il en va aussi de l’excellence industrielle et de la filière sidérurgique françaises", estime aussi le maire de Valenciennes. "Compte tenu des enjeux et de l’énergie déployée ces derniers mois, il est inconcevable que tout s’arrête maintenant."
Une prochaine réunion a lieu à Bercy mardi 26 février, la veille de l’audience de Strasbourg.